Qui n'a jamais entendu dire que les glucides complexes sont des sucres "lents" et les glucides simples des sucres "rapides"? Si seulement les choses étaient aussi simples... En effet, si une notion est essentielle pour bien comprendre le rôle de la nutrition sur la santé, c'est bien celle des glucides et de leur effet - complexe - sur la sécrétion d'insuline.
L'insuline est une hormone se situant au carrefour de nombreuses voies métaboliques. Elle permet en effet à l'organisme de stocker sous forme de glycogène le glucose présent dans le sang en trop grande quantité suite à une consommation excessive d'aliments glucidiques ou d'aliments dits "hyperglycémiants". Toutefois, si ce stock de glycogène est déjà saturé, l'organisme va transformer l'excédent de glucose en triglycérides, constituants de base... des graisses corporelles. Par ailleurs, la sécrétion d'insuline favorise la mise en réserve des graisses alimentaires consommées au cours du même repas. Il est donc essentiel pour toute personne souhaitant optimiser son état de santé, ses performances ou contrôler son poids de privilégier les aliments glucidiques à l'origine d'une faible sécrétion d'insuline. Autant, voire davantage que de veiller à limiter sa consommation alimentaire en graisses.
Pour bien comprendre le rôle de l'insuline, et par voie de conséquence celui des aliments glucidiques que nous consommons au quotidien, quelques notions de biochimie s'imposent.
Le principal rôle des glucides est énergétique. ils ont historiquement été classés en fonction de leur structure biochimique, c'est-à-dire selon la forme de la molécule les constituant. Ont ainsi été traditionnellement opposés:
La cellulose est également classé dans la famille des glucides complexes: il s'agit d'une fibre contenue dans l'enveloppe des céréales qui, par définition par nature, n'est pas digérée par les enzymes humaines. Elle contribue à nourrir les bactéries de la flore intestinale et à réguler le transit. Elle ne possède pas de rôle énergétique.
La digestion des glucides complexes nécessite plusieurs étapes: mes enzymes de l'organisme doivent en effet couper (ou "hydrolyser") la molécule pour former des glucides de petite taille - mono ou disaccharides - assimilables par l'organisme au niveau de la muqueuse de l'intestin: du fait du temps nécessaire à cette hydrolyse, les glucides complexes sont alors communément appelés "glucides lents". L'élévation de la glycémie et le sécrétion d'insuline qui en découle sont en générale moins importantes que lors de l'ingestion de glucides simples. En théorie.
La régulation de la sécrétion d'insuline est essentielle pour optimiser la santé. Elle intervient notamment dans le contrôle de la glycémie (taux de sucre dans le sang), du poids, du dynamisme, des performances physiques ou intellectuelles et de l'inflammation. Le maintien d'une glycémie dans des valeurs physiologiques, soit entre 0.7 et 1.1g par litre de sang, est nécessaire au bon fonctionnement de l'organisme: certains organes, dits"glucodépendants", utilisent en effet en permanence le glucose pour assurer leur nutrition. C'est le cas notamment du cerveau. Ce dernier est très sensible à toute variation de glycémie: une diminution de la glycémie, ou hypoglycémie, se traduit notamment par une baisse de vigilance. L'organisme réagit alors en sécrétant une hormone - le glucagon - permettant d'aller puiser dans les réserves glucidiques du foie (le glycogène) pour alimenter le sang en glucose et permettre ainsi au cerveau de disposer d’une nutrition optimale. A l'inverse, en cas d'augmentation importante de la glycémie - par exemple après l'ingestion d'un aliment hyperglycémiant ou une consommation importante de glucides au cours d'un repas - l'organisme va sécréter cette fameuse insuline pour stocker l'excédent de glucose sous forme de glycogène. Elle possède donc une action hypoglycémiante et de mise en réserve sous forme glycogène. Or les capacités de mise en réserve des glucides sont limitées: si le niveau de glycogène est déjà saturé du fait d'un manque d'activité (permettant de puiser dans ce glycogène pour produire de l'énergie au cours de l'effort) ou d'une consommation de glucides supérieure au besoins, l'organisme transforme cet excédent de glucides en triglycérides, constituant de base des graisses. Par ailleurs, si votre repas contient également des graisses alimentaires en plus des aliments glucidiques, celles-ci vont être mise en réserve plus facilement du fait de la sécrétion d'induline. Une alimentation trop riche en glucides hyperglycémiants favorise donc tout autant, voire davantage, la prise de poids qu'une alimentation riche en graisses de bonne qualité. Ce qui sous-entend une remise en question profonde de nombre des conseils proposés dans le cadre d'un régime hypocalorique et visant à favoriser les glucides au détriment des lipides.
Pour quantifier de manière plus précise l’effet d’un aliment glucidique sur la glycémie, Jenkins de l’Université de Toronto a défini en 1981 « l’index glycémique ». L’index glycémique d’un aliment est calculé en mesurant l’effet sur la glycémie de 50g de glucides contenus dans un aliment par rapport à l’ingestion de 50g de glucose pur (ou pain blanc selon les études) dont l’effet sur la glycémie est utilisé comme référence (index glycémique = 100). Plus l’index glycémique d’un aliment est élevé, plus la sécrétion d’insuline est importante, et inversement. En clair : plus l’index glycémique d’un aliment est élevé, plus l’action de cet aliment sur la glycémie se rapproche de celle du glucose.
Sur une échelle de 0 à 100, les aliments possèdent :
De nombreux facteurs peuvent influer sur la valeur de l’index glycémique et expliquer ainsi des différences importantes :
Cette notion d’index glycémique bouleverse ainsi les croyances initiales. Certains glucides complexes, que l’on qualifiait à tort de sucres lents, possèdent au contraire des index glycémiques élevés : on peut ainsi citer les pommes de terre en purée, les céréales soufflés du petit déjeuner, le pain blanc, les produits céréaliers raffinés, etc. Soit les aliments glucidiques les plus consommés au sein de la population. Il convient donc, dans une optique de santé et d’optimisation des performances physiques ou intellectuelles, de réduire leur consommation au profit de glucides complexes à faible index glycémique : légumineuses et produits céréaliers complets d’origine biologique. Les produits peu transformés d’une manière générale.
De même, il existe des glucides simples peu insulino-sécréteurs : il s’agit notamment du fructose, présent en quantité abondante dans les fruits et certains sirops d’agave. Pour autant, une consommation excessive et chronique de fructose, notamment à travers des aliments industriels riches en fructose (« High Fructose Corn Syrup » ou « sirop de glucose-fructose »), peut-être à l’origine d’effets délétères pour la santé (syndrome métabolique, stéatose hépatique, insulino-résistance, etc.).
Car l’histoire ne s’arrête pas là… En effet, la maitrise de l’index glycémique représente déjà une évolution certaine. Les puristes se plairont toutefois à nuancer la pertinence de l’index glycémique en mettant en évidence la nécessité de pondérer cette valeur à la quantité de glucides présents dans une portion de l’aliment étudié. Le calcul de l’index glycémique est en effet basé sur l’évolution de la glycémie suite à la consommation de 50g de glucides présents dans l’aliment étudié. Or en fonction de la concentration en glucides des aliments, il peut être nécessaire de consommer des quantités très variables pour atteindre cette valeur. Ainsi, la notion de charge glycémique (CG) a été introduite en 1997 par le professeur Walter Willett de l’université de Harvard : elle permet de corréler l’index glycémique d’un aliment à la quantité de glucides consommés dans une ration de l’aliment étudié, selon le calcul suivant :
CG = (IG x quantité de glucides d’une portion d’aliment (g))/100
Et de définir une nouvelle échelle de valeur :
Pour bien comprendre cette notion, prenons un exemple.
Lorsque vous consommez 60g de pain blanc, soit environ 1/4 baguette, vous absorbez 34g de glucides (le pain contient environ 57% de glucides). Il possède un index glycémique moyen de 75 : la charge glycémique de votre ration est alors de 34x75/100 = 26 soit très élevée. A l’inverse, vous consommez 150g de lentilles (IG = 30) : les lentilles cuites contenant environ 17% de glucides, la teneur en glucides de la ration est de 25,5g et sa charge glycémique de 25,5×30/100 = 7,6. La comparaison est simple à réaliser…
Internet étant une source inépuisable d’informations, vous pouvez facilement trouver un tableau de synthèse des index glycémiques. Par contre, il est beaucoup plus difficile de trouver un tableau pertinent présentant les principales charges glycémiques. J’ai donc réalisé cette synthèse.
Les valeurs d’index glycémique varient parfois en fonction des sources : en effet, le contexte des mesures et la nature même des aliments concernés peuvent varier, expliquant ainsi des différences de valeurs. C’est pourquoi cet index doit être considéré comme une valeur permettant d’avoir une vision globale de l’aliment et non pas comme une vérité absolue.
Et comme les choses ne sont pas assez complexes, nous pourrions encore parler d’un nouvel index : l’Index Insulinique. Il consiste à comparer l’élévation du taux d’insuline dans le sang après l’ingestion d’un aliment, à celle provoquée par le pain blanc, pour une quantité de calories identique (1 000 kJ). Logiquement, la plupart des index insuliniques devrait donc être égale aux index glycémiques. Ce qui s’avère être bel et bien le cas, sauf pour les produits laitiers. En effet, plusieurs études ont mis en évidence l’existence d’index insuliniques plus élevés que les index glycémiques : par exemple, l’index glycémique du yaourt est de 62 et son index insulinique de 115. Ce qui introduit ici une notion importante sur les effets d’une consommation excessive et chronique de produits laitiers sur la résistance à l’insuline et la prise de poids.
Il peut apparaître aisé de perdre son latin entre les différentes notions d’index. Toutefois leur compréhension est essentielle au regard de l’effet de la sécrétion d’insuline sur la santé, en particulier sur le contrôle du poids, sur les performances physiques et intellectuelles. L’alimentation moderne met à disposition une profusion d’aliments fortement insulino-secréteurs pouvant favoriser, en cas de consommation excessive ou isolée, la prise de poids, la fatigue chronique et la baisse de vigilance au quotidien. Les principaux symptômes d’une hypoglycémie ne sont pas spécifiques (fringale, faim, froid, transpiration, tremblements, maux de tête, vertige, trouble de la vision…): toutefois, leur présence associée peut justifier une vigilance accrue sur la nature des glucides consommés, en particulier lorsque ces symptômes s’améliorent après avoir mangé. Par ailleurs, la fluctuation régulière de la glycémie au cours de la journée peut favoriser le stress et la fatigue, deux des principaux troubles fonctionnels rencontrés au sein de la population depuis ces dernières années. De même, plusieurs études ont mis en évidence l’augmentation de la prévalence du diabète de type 2 au sein des populations indigènes suite à l’occidentalisation de leur alimentation.
Si nous souhaitons optimiser notre bien-être par la nutrition, il nous appartient de favoriser la consommation de produits bruts ou peu transformés, frais et de saison, au détriment de la pléthore d’aliments glucidiques transformés et raffinés.
http://www.sante-et-nutrition.com